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Coopératives de cacao en Côte d’Ivoire : entre soumission aux entreprises et entraves administratives

Malgré leur rôle moteur dont l’importance est reconnue par tous les acteurs de la chaine d’approvisionnement du cacao, les coopératives ont du mal à devenir des acteurs de poids à même de peser réellement sur les orientations stratégiques de la filière cacao en Côte d’Ivoire. Pendant longtemps, elles ont été mises au banc. S’il est vrai qu’il en existe qui ne sont des coopératives que de nom, la réalité du terrain montre qu’il existe aussi, et elles sont nombreuses, de  vraies » coopératives, engagées à faire en sorte que la situation des membres qui les composent s’améliore.

Malheureusement, elles sont prises dans un piège consubstantiel à l’organisation et la structuration actuelle de la filière cacao où, elles sont considérées uniquement comme des « collecteurs-livreurs » de fève de cacao. Un rôle taillé sur mesure mais dont le cœur même leur échappe par ailleurs.

Ce rapport est parti de ce constat en s’interrogeant sur les raisons du surplace des coopératives malgré le rôle pivot qu’elles occupent dans la chaine d’approvisionnement. Il est organisé à partir de principaux points : les relations entre les coopératives et leurs clients que sont les exportateurs, en général, les multinationales de négoce de cacao (1) et la structuration et le fonctionnement institutionnel de la filière (2).

Le rapport analyse donc la situation à partir de ces deux points avec des données précises et des descriptions de faits en vue d’alimenter chaque point. Par exemple, concernant le premier point, il ressort que, les contrats courts constituent un outil de chantage, les systèmes de certification privé opèrent comme un « péage », sans compter la concurrence déloyale des coopératives de « papier » et le système de revolving, une contrainte. Autant d’obstacles à surmonter par les coopératives pour exister. Aussi, alors qu’il y a de nombreux appels, à raison, à la mise en place de contrat long entre les coopératives et les multinationales de négoce de cacao, le système d’agrément annuel apparait comme un frein à la mise en place d’engagement à long terme.

Le contenu de ce rapport est le résultat d’un travail de collecte de données auprès de 65 coopératives dans l’ensemble des régions de production de cacao en Côte d’Ivoire. Il met en évidence des situations connues dans la filière. Mais pour la première fois, des coopératives ont accepté de témoigner. Même si ces témoignages ne sont qu’anonymes pour l’instant, ils démontrent qu’il y a une dynamique à l’œuvre dans la façon dont les coopératives se sentent de plus en plus en confiance. Elles sont de plus en plus sensibilisées et prennent conscience de leur rôle. Et même si elles restent encore tenues par une certaine peur liée à la nature même de la relation de collaboration qu’elles ont avec les multinationales d’une part et d’autre part, avec le système institutionnel, cette peur tend à perdre du terrain. Ainsi, l’on peut lire dans ce rapport des témoignages clairs avec des exemples précis de situations ou comportements à la limite de la légalité et très clairement abusifs.

Le rapport s’adresse à l’ensemble des acteurs de la filière y compris les coopératives elles-mêmes. Car, au cours de la collecte de données, certaines d’entre elles ont également mis en avant le manque de professionnalisation, l’hypercentralisation autour des président.es et un certain goût pour l’opacité. Ces points ne sont pas développés dans ce rapport. Mais il n’en demeure pas moins qu’ils feront l’objet de suivi de sorte que les recommandations formulées ci-dessous, soient à même d’apporter les améliorations escomptées pour le mouvement coopératif en Côte d’Ivoire, en particulier dans la filière cacao. C’est, nous le croyons, l’intérêt de l’ensemble des acteurs, y compris les entreprises elles-mêmes. Car, sans un mouvement coopératif solide et fonctionnel, il sera difficile de faire face durablement à des enjeux comme l’encadrement des productrices et producteurs à travers la gestion de données, la mise en place d’action concrètes visant à améliorer les conditions de vie ou encore la lutte contre les pires formes de travail des enfants.